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L’accompagnement des personnes surdouées en Pédagogie Perceptive

 

Avant toutes choses, il est important de préciser que le terme de « surdouement », est celui que je choisis d’utiliser ici car c’est certainement le plus répandu, mais je rejoins tout à fait la pensée de Cécile Bost et de nombreux autres auteurs :

« Je n’aime pas les mots « surdon », « douance », « surdouance », « doué », « surdoué » ou  même « HPI » (haut potentiel intellectuel). Porteurs de beaucoup d’idées fausses, ils me renvoient aussi aux plus sombres moments de l’Histoire, quand la catégorisation des groupes humains a fondé la décision d’en exploiter, voire d’en éliminer certains. J’utilise ces qualificatifs par pure commodité, car je n’ai pas, jusqu’à présent, réussi à en trouver de plus satisfaisants pour décrire une population au mode de fonctionnement particulier et avéré. Le terme « surdoué » porte à confusion. La compréhension commune que l’on en a conduit à des malentendus et à de la souffrance. Le surdon est une réalité neurophysiologique. Un surdoué qui pense en permanence de façon différente, vivra très souvent l’expérience de l’isolement.»

Différence et souffrance de l’adulte surdoué, Cécile Bost, p.11, éditions Vuibert pratique.

 

Autres termes fréquemment utilisés, tous à mon sens inadaptés : HPE (haut potentiel émotionnel), enfants précoces, EIP (enfants intellectuellement précoces), zèbres, APIE (personne atypique dans leur intelligence et leurs émotions).

Les enfants ou adultes concernés, eux, se nomment souvent : « sousdoué », « extra-terrestre », « débile », « fou », « inadapté », « différent », « incompatible », « absurdoué », « décalé »… aux antipodes du côté « petit génie » dont on les affabule souvent.

 

Pourquoi une personne surdouée peut avoir besoin d’être accompagnée en Pédagogie Perceptive ?

 

  • Mettre du sens : sur un fonctionnement, sur des émotions, sur une histoire de vie.

  • Se reconnaître et s’accueillir, profondément, comme on est, avec toutes nos ressources et nos potentiels.

  • Eprouver notre globalité ce qui aura pour effet d’atténuer les prédominances, intellectuelles, émotionnelles, pessimistes...

  • Etre et se rassuré(r), trouver de la sécurité, de l’ancrage.

  • Trouver un surplomb, une distance (une forme nous est innée), mais sans y ajouter ni jugement, ni analyse ni anticipation (plus compliqué !).

  • Remettre de la légèreté et de l’humour dans le rapport à nous-même et à notre environnement.

 

 

Une personne surdouée, c’est quoi ?

 

Le surdouement est une réalité neurophysiologique qui fait l’objet de plus en plus d’études scientifiques.

Il est difficile de donner une définition précise au surdouement (et ce n’est pas le but de cette page) car il y a autant de formes de surdouement qu’il y a de surdoués. Et, pour couronner le tout, à l’intérieur d’une même personne surdouée cohabitent une foule de paradoxes !

 

Un zèbre à l’école :

Pour illustrer ces paradoxes, et les faire comprendre dans le milieu scolaire, voici un tableau réalisés par l’association nationale pour les enfants intellectuellement précoces. http://www.anpeip.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'enfant intellectuellement précoce identifié et reconnu par tous est apparemment sûr de lui, avec un aplomb déconcertant, une logique implacable. Il dispose de capacités de compréhension et d'apprentissage plus rapides que celle des enfants de son âge et par conséquent peut se retrouver en avance sur le plan scolaire. Curieux insatiable, il peut se réfugier dans les livres et s'éloigner ainsi d'un monde qui ne lui ressemble pas… Même identifié, il peut désirer se fondre dans la masse ; timide, solitaire, incompris, il dissimule sa souffrance intérieure et ses immenses capacités. Tout en restant « très bon élève » pendant un certain temps…

 

L'enfant intellectuellement précoce non identifié peut être en échec scolaire, se montrer provocateur ou perturbateur, distrait, brouillon, ne faisant que ce qui l'intéresse. Néanmoins hypersensible, il est de nature anxieuse et commence à présenter des difficultés de comportement et de scolarité. Il peut être curieux, montrer certaines facilités, ce qui déroute les parents et les enseignants qui ne comprennent pas ces paradoxes.

 

    De nombreuses tentatives de définitions et hypothèses ont vu le jour. Certaines m’ont particulièrement intéressées comme celle de Mary-Elaine Jacobsen qui dans son livre The gifted adult part du principe que nous sommes tous surdoués et qu’il est question de potentiels actualisés ou pas. Ou encore celle de Carlos Tinoco qui tente de définir les profils des personnes qui ne le sont pas, en réfléchissant aux éléments qui pourraient inhiber leur intelligence et leur fonctionnement (pour aller plus loin, je vous recommande les livres de la bibliographie ci-dessous).

 

Nous pouvons toutefois dégager trois invariants valables pour les enfants et pour les adultes, car un enfant surdoué devient invariablement… un adulte surdoué :) :

 

*un fonctionnement intellectuel différent. Les tests de QI (quoique controversés et je suis d’accord avec les controverses) mettent en évidence un potentiel supérieur à la norme définie pour les personnes du même âge. Mais les développements affectif, relationnel et psychomoteur sont habituellement plus en rapport avec l’âge réel, voire en deçà. Cet écart de rythme de croissance, appelés aussi « dyssynchronie », entre les composantes de leur personnalité différencie fortement la personne surdouée des autres personnes et nécessite un accompagnement adapté (pour ceux qui ne vont pas très bien).

 

* un mode de penser différent :

  • pensée en arborescence (i.e. en feu d’artifice, une pensée en entraînant des dizaines d’autres, de façon fulgurante !)  

 

  • pensée analogique (qui fonctionne par associations d’idées, métaphores, pensées dans lesquelles nos 5 sens sont mêlés, par exemple une odeur rappelant une situation qui elle-même véhicule une émotion dont nous nous souvenons parfaitement visuellement…)

 

  • pensée divergente (la pensée « hors du cadre »)

 

* une  hypersensibilité et une hyperesthésie très présentes.

 

 

« Il faut avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse »,

Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

 

 

Pour ceux qui préfèrent comprendre les choses en vision d’ensemble et en images, voici les mind maps qui illustrent :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Attention, je rappelle que chaque surdoué est différent, on peut très bien ne pas se reconnaître dans tous les points abordés ci-dessus et être quand même concerné par le sujet !

 

  • Recherche scientifique actuelle :

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Il y a une réalité neurophysiologie dans le surdouement, démontrée scientifiquement. On a par exemple observé les connexions neuronales plus nombreuses et plus rapides, ne suivant pas les mêmes trajets, ou encore le fonctionnement différent de l’amygdale (cette petite glande du cerveau impliquée dans le « filtrage» des émotions).

 

Actuellement, quatre chercheurs Lyonnais du centre Psyrene (Psychologie, recherche et neurosciences) étudient, et c’est une première, le fonctionnement de 80 enfants surdoués en utilisant l’IRM en plus des tests de QI approfondis. Il s’en dégage pour l’instant, deux profils d’enfants : les profils dits laminaires et les profils dits complexes, ou ceux dont les résultats de QI sont homogènes ou hétérogènes, les intuitifs ou les déductifs. Ces chercheurs ont pu observer une zone particulière du cerveau qui fonctionnerait différemment en fonction du profil de l’enfant. Ils pensent avoir trouvé la cause du surdouement dans cette zone du cerveau.

 

A mon sens, si la réalité physiologique de ces examens est indéniable, son interprétation est discutable. Observant des enfants abandonnés en Roumanie, très dégradés du point de vue du développement physique et psychique, B. Cyrulnik eut l'idée de leur faire passer des scanners qui montrèrent une atrophie d’une petite partie de leurs cerveaux neurolimbique. Pourtant, placés dans des familles d'accueil, ces enfants ont montré une disparition de l'atrophie en moins d'un an ! J’ai moi aussi eu la chance de travailler avec ces enfants en Roumanie et d’observer leur évolution. C’est aujourd’hui prouvé, si on modifie le milieu, on modifie non seulement la manière dont fonctionne le cerveau, mais aussi le support biologique sur lequel s'appuient les fonctionnements cognitifs.  Les stimuli internes et externes tels que l’affect, les perceptions, les émotions et même nos pensées modifient la matière physiologique et c’est aussi vrai sinon plus que l’inverse. Nous comprendrons alors mieux la pertinence des approches psychocorporelles telles que la somato-psycho pédagogie.

 

Qu’il soit diagnostiqué ou pas, au courant de son profil ou non, le surdoué va se débrouiller comme il peut, avec ses données là, pour être « viable » dans son environnement. Pas facile ! Cela peut induire parfois le développement plus ou moins conscient d’une personnalité dite en « faux self »[1], le surdoué va renvoyer  une image tronquée de lui-même : un enfant qui se mettra à moins bien travailler pour ne pas se faire remarquer, une ado qui rira trop fort aux  « délires » de ses copines alors qu’elle n’y trouve en réalité aucun intérêt, un adulte qui se contorsionnera pour être « raccord » avec l’esprit de son entreprise quitte à se perdre complètement lui-même… liste qui s’étend à l’infini.

 

De l’extérieur (professeurs, employeurs, parents), si nous n’avons pas la connaissance du profil du surdouement, nous pouvons facilement cataloguer un surdoué comme étant une personne un peu idiote ou fragile ou prétentieuse,  hautaine, insolente, qui ne fait pas d’efforts, trop parfaite, trop sensible trop… tout court ! Et dans tous les cas, quelqu’un d’atypique, et dans tous les cas bis, ce n’est jamais bon pour la personne concernée ! Le surdoué est mis dans une case, il croit lui-même qu’il est ceci ou cela : un pitre, un imposteur, un trop sensible, un nul… son estime de lui dégringole et sa construction identitaire vacille (parfois dangereusement). Il y a des chances pour qu’il soit toute sa vie prit dans un conflit interne parfois paralysant : ce que je suis/ ce que je crois que je suis/ ce que je crois que je devrais être/ ce que je perçois/ l’image de moi que les autres me renvoient... On peut aussi tomber dans l’écueil de chercher son identité dans le regard de l’autre (aïe, attention de ne pas tomber devant les yeux d’un manipulateur) ou au contraire de ne jamais nous donner à voir « pour de vrai » et de rester dans une sorte de solitude emmurée…

 

Bon tout ça c’est quand ça va mal mais ça ne va pas toujours mal ! Etre surdoué et aller bien, c’est possible et il y a quantités d’outils pour nous y aider. Un de ces outils, la pédagogie perceptive, est à mon sens formidablement adapté à l’accompagnement des surdoués.

 

 

[1] le terme « self » est la traduction anglaise du « soi ». En psychanalyse il se réfère à la notion de Donald Woods Winnicott qui distingue le vrai du faux self : le vrai self désigne l'image que le sujet se fait de lui-même et qui correspond effectivement à ce qu'il est et perçoit à travers une réaction adaptée. Le faux self désigne une instance qui s'est constituée pour s'adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante. L'image qui est alors en cause est défensive et fonction de réactions inadaptées de l'environnement et est surtout représentative d'un rôle qu'on lui aurait imposé. D. Winnicott, « Distorsion du moi en fonction du vrai et du faux self p121 dans Processus de maturation chez l'enfant, éditions Broché, 1974.

 

 

 

« Le seul, le vrai, l’unique voyage, c’est de changer de regard »,

Marcel Proust

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